STALICLA développe un traitement pharmacologique inédit des troubles du spectre de l’autisme

Accélération de croissance pour la start-up créée en 2017 par Lynn Durham au Campus Biotech, avec une deuxième levée de fonds prévue fin novembre, après un premier tour de 4 millions de francs.

Une approche du traitement des troubles du spectre de l’autisme, ni psychiatrique, ni psychologique, mais bien pharmacologique. Tel est le projet poursuivi par Lynn Durham, qui a créé STALICLA au Campus Biotech en 2017.

Bien que représentant entre 1 et 1,5% de la population mondiale, les patients atteints de troubles du spectre de l'autisme ne bénéficient actuellement d’aucun traitement pharmacologique efficace.

Basé sur le computational systems biology (une approche ayant émergé ces 4 dernières années analysant les systèmes biologiques au travers du big data et du machine learning), la plateforme algorithmique développée par STALICLA croise les données issues de la recherche avec des données personnalisées de patients pour identifier des marqueurs moléculaires. Alors qu’aujourd’hui le diagnostic et traitement de l’autisme repose encore en grande partie sur une approche psychiatriques et comportementale, STALICLA a identifié grâce à son algorithme des sous-groupes de patients. Elle établit ensuite le potentiel thérapeutique de molécules existantes ou même de médicaments déjà développés, mais repositionnés pour ces patients en particulier. Une approche de la médecine personnalisée appliquée à l’autisme.

La société fondée par Lynn Durham a développé des collaborations et partenariats avec des acteurs majeurs du secteur afin d’amener son premier traitement en essai clinique fin 2019-début 2020; soit un peu plus de deux ans seulement après la création de l’entreprise à Genève.

Le marché potentiel pour de tels traitements s’évalue à plusieurs milliards de dollars par an. STALICLA a déjà clôturé un premier tour de financement seed de 4 millions de francs et cherche maintenant à accélérer sa croissance avec un nouveau tour de financement de série A.

Interview avec Lynn Durham sur le développement fulgurant de sa start-up et le changement de paradigme qu’elle opère dans le traitement des troubles de l’autisme, grâce notamment à la plateforme algorithmique développée par STALICLA.

En quoi l’algorithme DEPI (Databased Endophenotyping Patient Identification) de STALICLA est-il appelé à provoquer un changement de paradigme dans le traitement des troubles de l’autisme?

Les médicaments actuellement développés pour le traitement des troubles du spectre de l’autisme le sont dans une approche globale de l'autisme. Ils ne considèrent pas que l’autisme est en réalité pluriel ; biologiquement, il n’a pas un mais des autismes. Basée sur le big data, l’approche de STALICLA propose une médecine personnalisée, adaptée à des groupes de patients aux profils finement établis. Notre plateforme algorithmique (DEPI) permet d’analyser des données cliniques, des répertoires de données de patients réels, des comptes rendus de recherches, pour identifier des groupes de patients précis puis le potentiel thérapeutique de molécules ou de médicaments déjà développés, mais repositionnés pour ces patients en particulier.

Comment expliquez-vous la rapidité de la croissance de STALICLA?

Nous avons développé très tôt des collaborations et des partenariats stratégiques pour amener notre premier package thérapeutique (STP1) «repositionné» en essai clinique dès 2019-2020. Nous nous sommes rapidement associés à plusieurs chercheurs de pointe en génétique, biologie moléculaire, pharmacologie et neurosciences ainsi qu'à des spécialistes du traitement des données, pour développer de nouvelles approches thérapeutiques complémentaires aux approches comportementales. Nous entretenons des contacts par exemple avec le comité scientifique de la Simons Foundation et Autism Speaks, des organisations incontournables dans le secteur aux États-Unis. Faire alliance avec les bons partenaires est absolument clé. STALICLA emploie une douzaine de collaborateurs entre Genève et les Etats-Unis et possède un centre R&D à Barcelone pour le développement de sa plateforme bio-informatique. Notre croissance s’explique aussi par un modèle innovant : nous avons voulu aligner l’intérêt des patients avec celui de nos investisseurs en sélectionnant des molécules ayant déjà passé le filtre de la sécurité clinique mais dont le potentiel commercial demeure très important. Notre stratégie de protection de la propriété intellectuelle a fait l’objet d’investissement conséquent. Cette approche permet de considérablement diminuer le risque lié au développement pharmaceutique, et d’amener rapidement des solutions thérapeutiques aux patients.

En quoi consiste STP1, le premier traitement en cours de développement par STALICLA?

Longtemps vu sous le prisme de la psychiatrie et de la psychologie, les troubles du spectre de l’autisme possèdent une très forte composante génétique et biologique, que les outils d’analyse des données nous permettent désormais d’appréhender, dans une approche personnalisée de cette pathologie. Pensez ici aux vrais jumeaux, fréquemment atteints ensemble d’autisme. Il s'agit d'une affection biologique, qui touche essentiellement le cerveau mais pas seulement. Les autres affections dont souffrent ces patients permettent de les classifier en sous-groupe grâce au big data. Ce changement de paradigme est à l’origine de la création de STALICLA. Nos travaux ont permis de définir pour la première fois deux sous-groupes précis de patients liés aux troubles du spectre de l'autisme qui se caractérisent, entre autres variables, par des anomalies spécifiques de certains marqueurs moléculaires. Puis nous avons cherché les traitements existants - notamment des combinaisons de médicaments - qui permettent d'agir directement et de manière agile sur ces mécanismes. Le premier des deux phénotype que nous avons identifiés regroupant environ 20% de la population souffrant de troubles du spectre de l’autisme, on peut envisager que ce sont autant de patients qui pourraient bénéficier de notre premier package thérapeutique.

A combien est évalué le marché de tels traitements pharmacologiques?

Le marché potentiel pour de tels traitements s’évalue en milliards de dollars par an (2 à 3 milliards pour STP1), selon les chiffres de la banque d’affaires Canaccord Genuity. Notre package thérapeutique, composé de deux molécules, qui visent à réduire la sévérité des troubles du premier sousgroupe de patients identifié par STALICLA, représente entre sept cent cinquante mille et un million de patients en Europe et aux Etats-Unis, selon nos estimations. Notre objectif est d'arriver sur le marché vers 2024 ou 2025 et d'étendre le portefeuille de traitements, également pour des pathologies proches, sur la base de notre plateforme algorithmique. Comme nous repositionnons de molécules existantes, le processus est accéléré, de même que le risque est plus faible que de développer quelque chose en commençant à zéro.

A qui s’adresse votre deuxième levée de fonds?

Après un premier tour de financement seed de quatre millions de francs en février, nous menons actuellement un nouveau tour de financement qui devrait clôturer fin novembre, début décembre, avec pour objectif de lever CHF 15 à 20 million. Ce tour s’adresse aux VC’s, aux BA’s spécialisés dans les biotechs, aux UHNWI qui ont une affinité ou une expertise dans notre activité, ou aux départements private equity des banques, en Suisse et ailleurs dans le monde. En termes d’écosystème d’investissement, nous sommes très heureux d’observer qu’on peut désormais comparer la région lémanique, en ce qui concerne la biotech, à la Silicon Valley il y a 20 ans. Il existe ici un potentiel énorme, bénéficiant du réseau pharma existant, pour devenir un solide centre d’innovation mondiale.

STALICLA, le nouvel Actelion en Suisse?

La comparaison est flatteuse et je vous en remercie. Pour le moment notre priorité est de déployer le plan de développement défini pour l’entreprise, en faisant tout en oeuvre pour ce que soit avec succès et que le plus grand nombre de patients bénéficient rapidement du changement de paradigme que nous entendons mener.