Bilan – Janvier 2020 : Innovation - featuring STALICLA CEO
Lynn Durham, fondatrice de la startup genevoise Stalicla, veut proposer un traitement personnalisé adapté à chaque patient.
Lynn Durham parle à toute vitesse. Le temps presse. L'entrepreneur de 37 ans aimerait voir rapidement sur le marché des traitements personnalisés qui amélioreraient les principaux symptômes des patients atteints de troubles du spectre autistique. Cette Franco-Americaine a crée Stalicla en 2017. Selectionnée en 2018 par Bilan parmi les 50 startups dans lesquelles investir, la pousse genevoise de 17 personnes a développé une plateforme (DEPI) basée sur le big data.
Qu'est-ce qui vous a poussée à vous intéresser à l'autisme?
[...] II y a quelques années en Europe, on associait ce trouble à une maltraitance parentale. Aujourd'hui encore, ce trouble dont la science reconnait les origines essentiellement génétiques (plus de 1000 gènes ont été associés à ce jour à un risque de développer un trouble du spectre autistique), n'est pas diagnostiqué de manière objective et encore moins biologique. Les parents des patients doivent répondre a un questionnaire comportemental et sur la base d'un score, le clinicien pose un diagnostic d'autisme. Or, la prévalence est complètement différente entre l'Europe et les Etats-Unis. L'Autisme toucherait 1% de la population en Europe et 1 personne sur 59 aux Etats-Unis.
En quoi votre startup aborde-t-elle l'autisme de manière différente?
Aujourd'hui, l'autisme est abordé notamment via des thérapies comportementales, qui apportent une partie de la réponse. Nous voulons améliorer les principaux symptômes des patients via des molécules existantes que nous repositionnons pour des groupes de patients spécifiques. Cela est possible grâce à la plateforme bio-informatique de Stalicla (DEPI), développée dans notre unité de Barcelone. Celle-ci integre les données médicales et historiques anonymisées de nos partenaires cliniques afin de prédire des groupes de patients biologiquement similaires. Les marqueurs biologiques identifiés sont ensuite evalues chez les patients pour valider les modèles. Cela permet ensuite d'identifier des traitements adaptés au profil du patient. C'est la premiere fois qu'une telle approche est utilisée dans les troubles neurodéveloppementaux, dont l'autisme. Nous avons déjà prouvé le potentiel de notre modèle en identifiant 3 sous-groupes de patients et en amenant notre premier candidat thérapeutique (STP1) pour un sous-groupe, en moins de trente mois [...] en phase clinique 1b en 2020 auprès de 40 personnes aux Etats-Unis pour en tester l'innocuité.
Quelle est la probabilité de voir un tel traitement apparaitre sur la marché ?
Les molécules que nous repositionnons ont déjà été approuvees pour d'autres pathologies, donc 50% du chemin est déjà fait. Les indicateurs sont au vert puisqu'il s'agit de molécules dont le profil toxicologique individuel est connu, comme nous l'a confirme en septembre dernier un préavis positif de la Food and Drug Administration (FDA) sur STP1. Nos candidats thérapeutiques peuvent intéresser l'industrie pharmaceutique avant l'entrée en phase 3 afin de réduire les risques et les coûts liés à des essais de grande envergure. Miser sur cet octroi de licence pourrait permettre la commercialisation du traitement d'ici quatre à cinq ans.
L'autisme est une maladie complexe impliquant plusieurs gènes. Vous souhaitez agir sur quels symptômes avec ce premier traitement en cours d'évaluation ?
Il n'y a pas un mais de nombreux groupes de patients avec autisme, différents les uns des autres d'un point de vue biologique. Chez 80% des patients, cette maladie est polygénique. L'autisme est aussi divers que l'oncologie. Le but de Stalicla est de stratifier ces patients et d'identifier des biomarqueurs, avant de trouver un traitement personnalisé correspondant.
Quel est le mécanisme d'action de ce premier traitement ?
STP1 s'adresse a un premier sous-groupe distinct de patients, dit Phenotype 1, atteints de troubles du spectre autistique et estimé entre 1,5 et 2 millions en Europe et en Amerique du Nord. STP1 est un candidat prometteur visant a améliorer des fonctions essentielles telles que la capacite d' apprentissage et la vitesse de traitement de !'information. L'amélioration de ces fonctions devrait permettre de soutenir l'autonomie et l'inclusion sociale et ainsi offrir une meilleure qualité de vie aux patients.
Vous êtes titulaire d'un master en histoire économique. Pourquoi vous êtes-vous dirigée vers le développement pharmaceutique ?
Mes parents, tous deux très impliqués dans l'autisme, ont travaillé aux Etats-Unis dans le milieu de la recherche médicale et éducative sur l'autisme. J'ai véritablement grandi dans cet environnement, également aux côtés des patients, où j'ai développé mes premières connaissances et un réseau important. Après mes études en sciences politiques et histoire économique et une première experience au World Economic Forum, j'ai commencé à m'intéresser à la biologie et la biochimie. J'ai étudié le soir pour approfondir mes connaissances. Puis, j'ai effectue un postgrade de développement pharmaceutique à la Faculté de médecine de l'Université de Genève. Avec une idée très claire en tête : apporter aux patients atteints de troubles du spectre autistique à la fois le concept de la médecine de précision et des traitements capables d'améliorer les principaux symptômes.
Avez-vous toujours rêvé de devenir entrepreneur ?
Pas du tout. Je rêvais de faire de la politique afin d'avoir un impact sur la société. Devenir entrepreneur, c'est une forme de renoncement, qui implique des sacrifices importants. Mais être entrepreneur, c'est aussi opposer l'action à l'adversité.